TAFTA, le capital, le consumérisme, eux et nous et toi et moi

Mardi 21 Octobre, à l’invitation d’une quinzaine d’organisations, dont ATTAC, Suzan George est venu nous alerter sur les dangers du traité TAFTA, mais aussi de TISA et CETA.
Un exposé très technique et pédagogique sur le fonctionnement de ces traités et sur leurs probables conséquences. Pour résumer, c’est « toujours plus » : plus de capitalisme ; de dénie de démocratie ; de diktat des multinationales ; de profits ; d’inégalités ; de gaspillages ; de pillages des ressources ; etc, etc …
Un meeting qui a eu le mérite de mobiliser les troupes pour lutter contre TAFTA et ses rejetons.
Félicitations à ATTAC pour la réussite de cette première mobilisation !

suzanne&jackySuzanne et d’jacky à la tribune

 

Toutefois, l’objecteur de croissance reste toujours sur sa faim. Comme si on avait pris le problème par un seul bout, alors qu’il y en a beaucoup d’autres.
Oui, c’est nécessaire de lutter contre tous ces traités, mais en parallèle nous devrions peut-être nous opposer aussi au Monde que nous vendent ces multinationales ; c’est-à-dire au mode de vie occidentale exacerbé actuel. S’il y a un grand marché, c’est aussi parce qu’il y a une certaine demande de chacun d’entre nous, et que pour sortir du l’ultra-libéralisme, il faudrait peut-être sortir du consumérisme, de notre dépendance au pétrole et autres ressources ?
Alors, en général, si je m’arrête là, on me rétorque aussi sec  « Ne crois-tu pas que les pauvres, eux, ils aimeraient bien pourvoir consommer, rien qu’un peu ? Déjà manger et se loger ? Alors, ton histoire de niveau de vie … ».

Tiens ! Les pauvres ? Parlons-en des pauvres. Pourquoi toujours nous rétorquer la condition des pauvres, quand on parle de l’hubris de nos sociétés ? A croire que l’éradication de la pauvreté, justifie à elle-même qu’on ne puisse pas toucher à la condition des classes les plus aisées … C’est avec le même type d’argument que les grands patrons s’opposent à la limitation de leur salaire. « Pitié, laissez nous vivre ! Laissez-nous créer des richesses. On en a besoin ».  https://www.facebook.com/video.php?v=10150178422036190

Voulons-nous vraiment éradiquer la pauvreté ? Alors, militons tous ensemble pour un Revenu De Base, pour tous, inconditionnel, cumulable avec un salaire, et de préférence en partie démonétarisé (monnaies locales, droits de tirages sur les ressources, services publics, biens communs, …).
Militons pour un RdB, au lieu de rester enfermés dans le dogme de la méritocratie dans le labeur, puis d’exiger du capitalisme qu’il daigne créer des emplois … souvent à la con, aliénants, inintéressants et néfastes socialement & écologiquement, sans qu’on ne sache vraiment le sens qu’ils ont. D’accord pour des emplois : mais pour faire quoi ? Nos sociétés sont sursaturées de biens (qu’on en est arrivé à s’inventer de nouveaux besoins) et la planète va venir à manquer de ressources (qu’on en est arrivé à chercher les dernières gouttes). Dans le modèle actuel, il n’y aura plus jamais de plein emploi, c’est certain : imaginons une autre manière d’éradiquer la pauvreté autrement que par la solution du travail salarié (ce n’est pas pour autant qu’il ne faudra pas se retrousser les manches). Non, définitivement, je ne pense pas aux pauvres quand je dénonce le consumérisme et notre niveau de vie.

Je parle de cette classe moyenne, très majoritaire. Celle qui vit dans un beau pavillon ; qui possède deux voitures « pour aller travailler, je m’en passerait bien ; … mais aussi pour emmener les enfants à l’école, … et pour aller à l’hypermarché … et aussi, quand même, pour partir en weekend », voire une troisième pour l’aîné qui vient d’avoir son permis en même temps que ces 18 ans ; cette famille qui a autant d’ordinateurs, de télévisions, de smartphones et de forfaits associés qu’il y a de membres dans la famille, le tout à renouveler tous les 3 à 5 ans ; dans le garage, il y a le congélateur plein à ras-bord de viandes industrielles « il y a avait une promo chez Auchan, alors j’en ai pris plein d’avance » ; et puis, il y a la domotique, l’ouvre portail automatisé, l’éclairage automatique, l’alarme « avec ce qu’on lit dans les journaux … » ; il y a encore le tracteur-tondeuse, le taille-haie, et maintenant la souffleuse, enfin tout ce qu’on peut trouver dans tous les rayons du Brico ; et pour les ados, des fringues à la mode. « Mais on n’achète pas de marque, on n’est pas comme ça, on n’est pas snob et on fait attention, on achète le moins cher » ; « d’ailleurs en général, pour la nourriture, pour les meubles on fait attention, on prends toujours le moins cher ! Il faut boucler les fins de mois » ; …
http://www.liberation.fr/economie/2014/10/16/moi-chantan-ouvriere-textile-au-cambodge-12-heures-par-jour-6-jours-sur-7-sans-conges-payes_1122334

C’est vrai, cette classe moyenne, elle travaille dur. Elle est méritante, elle joue le jeu ! « Travaille, obéis, consomme ! » scande l’Eglise de la Très Sainte Consommation … (https://www.youtube.com/watch?v=HE3MDSTaK2o) « et endette-toi » ajoute le capital. Alors, elle aimerait bien en profiter sans que des rabat-joie viennent poser trop de questions sur tout, notamment sur l’impact de son mode de vie, sur les autres, et sur les générations futures ! Parce qu’au final, elle n’a pas l’impression d’abuser. D’ailleurs, elle ne se sent pas « riche », cette classe moyenne ! Et c’est probablement un sentiment légitime : son « devoir d’achat » est devenu tellement énorme que son « pouvoir d’achat » parait diminuer. Elle n’a pas le choix, et elle a réellement du mal à boucler ses fins de mois. Ça s’entend. Difficile pour elle de reconnaitre que son niveau de vie est nettement supérieur qu’au début des années 80, et d’accepter qu’il n’est ni généralisable, ni soutenable socialement & écologiquement à l’échelle de la planète.

pompe-afriqueLa dette écologique

 

La classe moyenne, c’est qui ? Ben, c’est eux, c’est nous, c’est peut-être toi, et c’est assurément moi. Nous le savons tous qu’il y a quelque chose qui cloche. D’un côté, nous nous sentons spoliés, « les prix augmentent de plus en plus. C’était mieux avant l’Euro … », « marre des impôts », « et puis tous les profits qu’ils se font sur notre dos ». Et de l’autre coté, nous déplorons que les liens sociaux se disloquent « les gens, ce n’est plus pareil. Il n’y a plus de solidarité. Notre société est individualiste ! », « C’est marche ou crève, nous sommes tous en concurrence, alors on accepte n’importe quel boulot… sinon, c’est un autre qui le prendra ». Ce système consumérisme est à bout de souffle, il touche les limites environnementales, il creuse de manière indécente les inégalités, et n’a plus vraiment de sens.
Mais quand bien même, on y revient tous, à manger dans la main de ces multinationales qui nous vendent ce monde et nous préparent TAFTA & Co. Et quand il y en a plus, on en redemande !

Alors, notre propos, à nous les objecteurs de croissance, n’est pas de demander à chaque individu de culpabiliser et de changer radicalement son mode de vie. On ne demande rien de spécial. Pas d’injonction dans notre propos.
Les accords tel que TAFTA sont inhérents au capitalisme. Tant que le capitalisme sera hégémonique, il y aura toujours des TAFTA en discussion. Le consumérisme a besoin du capitalisme pour fonctionner à plein régime. Pour lutter durablement contre ces accords, mettons en place, dès maintenant, parallèlement, des alternatives au consumérisme !
Et c’est à nous, associations, collectifs et organisations, de gauche et/ou écologistes de dire et de montrer qu’un autre monde partageux est possible ;

Dire qu’il est possible de sortir du consumérisme pour inventer un monde plus sobre, relocalisé et plus épanouissant. Moins, mais mieux. Il est possible de partager sur d’autres critères que par la marchandisation du travail. Il est possible de responsabiliser et d’impliquer chacun en société, autrement que par l’insécurité sociale et la peur (le bâton et la carotte). Il est économiquement possible, et humainement décent, de mettre en place un plancher et un plafond. Personne au dessous du plancher, le minimum pour tous. Personne au-dessus du plafond, il ne faut pas abuser (http://www.projet-decroissance.net/?p=1128)
Plancher & Plafond ; Revenu de base inconditionnel, pour tous et cumulable avec un salaire & revenu maximal acceptable ; Pour la même ressource ou le même bien, gratuité du bon usage & renchérissement du mésusage (pourquoi payer l’eau le même prix pour faire son ménage et pour remplir sa piscine privée ?) ; à décliner aux énergies, aux ressources, au transport, à la santé, à l’alimentation, aux logements, etc …
Quelles limites basses et hautes, qu’est-ce que le bon usage et le mésusage ? Voilà de bons et vrais débats de fond en perspective, beaucoup plus intéressants que d’épiloguer sur la stratégie de communication de tel ou telle candidat-e.
Dire, c’est déjà faire exister une idée ! C’est donner une ligne d’horizon vers laquelle tendre. C’est envoyer un signe d’espoir.

Montrer par nos propres expérimentations, individuelles ou collectives, que la transition est possible, et que par endroits, elle est déjà en marche. Les expérimentations collectives et les alternatives concrètes ne manquent pas. Sans spécialement jeter le bébé avec l’eau du bain, que ce soit dans les domaines de l’alimentation, des transports, dans les manières d’habiter ensemble, dans les échanges, que ce soit dans la pratique démocratique en entreprises ou associations, dans l’éducation coopérative ; les alternatives au système industriel mondialisé et financiarisé fonctionnent. A nous de les faire connaître, et de montrer que dès maintenant il est possible de s’engager dans un chemin de solidarités, de liens, de « bien vivre » … et par là même court-circuiter le Monde de TAFTA !
http://www.reporterre.net/spip.php?article3806

Alors oui, luttons tous ensemble contre TAFTA. … mais soyons aussi, tous ensembles, forces de propositions, forces d’actions et d’inventions.
Tentons la stratégie du chasseur de vampire. Mettons ces textes en plein jour, pour réduire les vampires en cendre. Signons toutes les pétitions, et rendons-les publiques. Encourageons les municipalités à se déclarer hors TAFTA (Gonfreville l’Orcher va le voter, le conseil municipal du Havre vient de le refuser). Participons en France contre le budget d’austérité, lors de la manifestation du samedi 15 novembre.
Et n’occultons pas le débat pour inventer nous-même des alternatives écologiques et solidaires, faisons le lien entre les luttes et les alternatives, soutenons toutes les initiatives allant dans ce sens et n’attendons surtout pas qu’elles viennent du système … et encore moins d’être élus.

Stéphane, du ChOC au Havre
http://www.projet-decroissance.net/?page_id=241

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